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Mémoires d'un solibataire
17 octobre 2014

Chère loque humaine,...

C'est à toi que je dédie ces quelques lignes. A toi ou, plutôt devrais-je dire, à moi, tant, à force de distance d'avec moi-même, j'en arrive à me considérer comme un autre. Je est un autre écrivit, un jour, un auteur dont j'ai oublié le nom. Ce n'était point César dont la Guerre des Gaules lui parut si étrangère, encore qu'il en fut l'acteur principal. Je ne me compare pas à César. Ne serait-ce parce que, contrairement à lui, je ne me suis pas fait Pompée. Je n'ai point l'âme d'un pervers d'Etat. Seulement celle d'un libertaire. Pourtant que fais-je de cette liberté ?

 

Je la transforme en solitude dès lors que j'accorde à l'autre la même liberté que je me concède. Liberté d'accepter un regard, d'entendre et de donner une parole, un gage d'intérêt ou d'affection. Je ne peux obliger personne à me regarder, m'écouter, me parler ou m'accorder l'amitié que pourtant je lui offre. Au lieu de quoi je traverse la vie en transparence, en étant incolore, invisible et inaudible. Les despotes sont semble-il heureux et leurs esclaves en redemandent.

 

Moi, je vous écoute cracher votre venin sur l'homme, entendez : le mâle. Souvenirs mal digérés de vies de couple en naufrage dès le premier regard. Je ne suis pas comptable de vos déboires, pas plus que de vos inconséquences. Je refuse, en raison même de mon solibat, d'être le bouc émissaire des faits et des dires de personnages qui ne sont pas moi. Ô vous qui me jugez, cessez d'être sourds, inconséquents et finalement abjects lorsque vous-même affirmez qu'il ne faut pas juger l'autre. Au lieu de me convaincre, convainquez-vous, vous-même, qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné. Vous passez des heures ou des nuits au creux de bras qui vous réconfortent, des passades. Je n'ai pas de passade pour supporter ma solitude. Ce qui vous paraît facile pour vous est un luxe pour moi. Jouet du préjugé, du regard inquisiteur, de l'oreille inattentative et d'un esprit qui vous fait défaut, je suis, non point l'inconsolable, mais l'inconsolé. Heureux le chien errant qui bénéficie de mots doux et de caresses ! Heureux le détenu qui se marie et devient père ! Moi, je n'ai, paraît-il, aucune raison de me plaindre.

 

C'est vrai, j'ai une main. C'est vrai, j'ai le tabac pour tenter de fuir sur les chemins de traverse dessinés dans l'air par les volutes lourdes et grises. C'est vrai, je dispose de légions de bonne âmes, sourdes et aveugles, pour me répéter ad nauséam : "fais tes expériences."  Il y manque l'élément essentiel pour envisager une once de bonheur, aussi fugace soit-il, le catalyseur : l'autre !

 

Ce que vous ne comprenez pas doit-il nécessairement ne pas être ? Dois-je vous demander pardon d'exister, au risque de faire vaciller vos présupposés ?

 

Descartes se trompait sur un point. Il ne suffit pas de penser pour exister. C'est parce que j'existe que je pense. Ainsi je peux penser que je pense donc je suis. L'être prime ainsi la pensée dont il est le support. Ce qui fait l'être ce sont ses sens, aussi imparfaits soient-ils. Il n'est pas possible de priver l'homme de penser. Ce qui témoigne d'une pensée est l'expression de celle-ci. La répression de sa manifestation ne l'annihile pas mais la renforce. En revanche, priver un homme, entendez : un être humain, de ses sens revient à tuer son être et, en définitive, à le tuer lui-même.

 

Nous ne mourons pas que de vieillesse, ma chère loque humaine, nous mourons également de privations sensorielles.

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Commentaires
S
Il est d'autant plus difficile de communiquer sur ce sujet comme sur un autre quand on est seul. Il en va de même de l'amitié, de l'affection, de la sexualité, etc, etc....
M
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> C'est difficile d'échanger sur le thème du solibat qui semble profond et ancré. Je suis arrivée sur votre blog parce que je m'intéresse à ce sujet, non pas par curiosité, plus par connaissance de ce terrain personnellement que je sais ne pas être forcément ad vitam aeternam. Je m'intéresse de près au Solibat car je souhaite aider ceux qui le souhaitent à s'épanouir et à ouvrir les vannes qui les feront, je l'espère sortir de ce cercle vicieux. J'ai créé mon activité pour cela... La vie prend toute sa consistance lorsque l'on fait quelques chose de ses expériences, connaissances et que l'on partage peu importe la manière ces choses là avec les autres.<br /> <br /> Aussi, je pense bien à vous. Je sais que pour beaucoup la vie n'est pas facile, il y a pourtant une lumière au-dessus et n'est pas toujours facilement accessible. J'ai affronté ces périodes longues, fastidieuses, dures, noires, défaitistes, négatives, affectivement désertiques... Et j'ai trouvé la lumière alors pourquoi pas vous...<br /> <br /> <br /> <br /> Une solibataire qui a rencontré la lumière.
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