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Mémoires d'un solibataire
21 avril 2013

Métaphysique du solibataire, opus de printemps

Il est écrit dans un vieux grimoire que le premier homme fut créé avec la poussière de la terre. Cette terre était rouge, rouge comme le sang qui coulait dans ses veines. Il lui fut donné le nom d'Adam qui signifie rouge mais qui désigne aussi la terre, la planète sur laquelle il fut créé. Cet être était complet, constitué qu'il était des principes mâle et femelle. Un être parfait donc.

Cependant son créateur, qui se voulait lui même complet et parfait, estima qu'il n'était pas bon qu'une image de la perfection peuple sa création. Le risque était grand que l'univers en fut déséquilibré. Une créature qui se prend pour Dieu peut être charmante, mais Dieu a horreur de la concurrence. C'est pourquoi il se remit à l'ouvrage et sépara les principes mâle et femelle qu'il plaça dans deux entités distinctes : Adam et Eve.

Pourquoi renoncer à la perfection ? Les commentateurs en déduisent que chacune des deux créatures étant incomplètes, elles n'auraient de cesse à retrouver leur moitié perdue. Il est vrai que cette problématique est à l'oeuvre dans les relations humaines et que l'histoire s'est souvent embrouillée suite à la chimie des hormones. Cette quête devenant souvent vaine.

Il y aurait donc une part de vanité à courir après sa moitié perdue. Les moitiés s'emboîtent allègrement depuis que le monde est monde jusqu'à trouver l'unique chaînon manquant. Ne sachant quelle est cette pièce unique, cette perle rare, ni comment la reconnaître, l'Inde a fourni un manuel empirique de montage, histoire de s'assurer que les pièces s'emboîtent comme il convient ou non. La scandinavie en a déduit un mode ludique de bricolage, histoire de joindre l'utile à l'agréable.

Toutefois, et les bricoleurs ne me contrediront pas, il arrive que les boîtes de meubles scandinaves soient irrémédiablement incomplètes.  Comme le disait déjà Lamartine : "Une seule vis vous manque et le living est dépeuplé." L'affirmation du magnétisme selon laquelle, dans la nature, les contraires s'attirent se trouve ainsi annulée en raison d'une simple erreur de manutention. Quelle connerie l'incomplètude !

Mais si le bricoleur du dimanche peut s'en remettre au service après-vente, le solibataire spolié de sa pièce maîtresse se trouve plongé dans la solitude du dépît. Les joies du travail manuel deviennent ainsi vaines et inutiles puisqu'elles ne produiront jamais le dressing, le salon, la bibliothèque, la chambre à coucher ou la kitchenette rêvée. S'en remettre aux conseils d'un bricoleur émérite revient à connaître la déconvenue de celui qui relit posément le mode d'emploi en coréen et bute, irrémédiablement, sur la pièce manquante, Ô fatalité !

Nulle possibilité pour lui de tenter de trouver sa pièce manquante ni d'essayer la moindre option permettant de s'assurer que la pièce surnuméraire est bien ou non celle qui lui manque. Nulle aide, nul soutien, nul conseil, nul élan de solidarité pour lui. Et de ruminer dans sa solitude ce qui devrait traduire un signe vague de compassion désarmante, quand parfois il s'ouvre de son désarroi : "tu trouveras", "cela viendra", "tu vas y arriver."

Tout serait plus simple avec le numéro et le mail du service après-vente : "Allo, du con ? Pourquoi tu m'as refait ?"

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